Interpréter l’art et la manière : que veut dire « tricher » dans un atelier de bijoutier ?

Images re-Vues, Histoire, anthropologie et théorie de l’art, Hors-série 7│2019

À partir de l’ethnographie de l’atelier de Sophie Hanagarth, orfèvre-plasticienne, et d’une expérience dans mon atelier, je tenterai de comprendre pourquoi l’usage de certains outils entraîne une gêne chez l’utilisateur.

Après avoir observé Sophie de nombreuses heures j’ai pu apprécier l’application de ses gestes et ce n’est pas sans surprise que je l’ai entendu avouer quelques fois : « Là… je triche ». Pourquoi emploie-t-elle cette expression au moment de passer au laminoir une barre d’acier préalablement forgée en forme de fuseau, ou en reprenant à la lime la courbe d’un bracelet ? À travers le double point de vue ethnographique et auto-ethnographique, il s’agira de questionner ce qui est en jeu au moment de certains choix techniques. Nous verrons que l’étude des usages de la technique nous informe sur différentes conceptions du métier de bijoutier et nous permet de saisir comment cette notion de tricherie, évoquée furtivement mais à plusieurs reprises, est liée à la notion de prise de risque.

Cheminez, 2004, objet pour la main, or, shibuishi
Sophie Hanagarth, Lippes, 2009