Cette recherche est basée sur la mise en miroir d’une ethnographie de l’atelier de Sophie Hanagarth avec une auto-ethnographie. Au-delà de la question « art/artisanat », ce double point de vue permet de montrer que les bijoutiers contemporains composent leurs bijoux par assemblages d’expériences, autant sociales que sensibles, en cultivant l’incertitude et le risque, en jouant de l’indétermination.
L’expression « bijoutier contemporain », apparu dans les années 1970, ne décrit pas de façon claire la pratique qu’il recouvre et les bijoutiers qui opèrent dans ce champ multiplient les qualificatifs.
« Bijoutier » ne semble pas suffire ; certains y accolent « plasticien », d’autres « designer », ou le remplacent par orfèvre en se déclarant « orfèvre-plasticien ». Inscrite dans ma propre pratique de bijoutier contemporain, cette dissertation cherche à élucider différents paradoxes dans lesquels nous nous trouvons : alors que les théoriciens qui étudient les productions tirent la conclusion que le « bijou est un art » et que leurs auteurs sont « des artistes », les bijoutiers contemporains ne semblent pas vouloir légitimer forcément leur production comme « œuvres d’art ». La plupart du temps très attachés
à leurs ateliers, ils revendiquent de « penser avec les mains » pour créer des objets qu’ils continuent de considérer comme « des bijoux », mais cherchent néanmoins à se distinguer des bijoutiers dits « traditionnels » en qualifiant leurs productions par l’expression « bijoux contemporains ». En constatant que leur pratique n’avait jamais été décrite, j’ai fait le postulat qu’une ethnographie d’atelier me permettrait de saisir le devenir « contemporain » des bijoux.